Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
riji
28 avril 2020

Déjà-vu

IMG_7373

Wenzhou, le 30 Janvier 2020

 

La journée a commencé avec When did you leave Heaven de Lisa Ekdahl.

La chanson est dans un album portant le même nom. Je me souviens de l'avoir acheté à la FNAC Saint Lazare, à côté de mon lycée.

Après toutes ces années, l'album CD est encore là. Ma mère l'a mis ce matin avant de commencer le nettoyage dans la maison.

C'est devenu un rituel depuis quelques jours: le matin, à la première heure, on ouvre toutes les fenêtres pour aérer la maison et on nettoie de fond en comble.  

La ville a temporairement fermé ses sorties d'autoroutes depuis 22h hier soir. On apprend dans la foulée la suspension de la ligne S1 du métro ainsi que tous les ferries dès ce soir à minuit.

Sensation de déjà-vu.

Peut-être serait-il plus raisonnable que je rentre vite chez moi à Pékin. J'inquièterai moins la production qui pense d'ores et déjà à toutes les mesures de précaution à prendre pour démarrer en sécurité les répétitions dans une semaine à Shanghai.

Surprise, il y a très peu de vols au départ et à l'arrivée de Wenzhou et on voit en simultané des annulations de vols dont le statut passe du vert au rouge. A ce rythme, allons-nous nous réveiller demain en découvrant l'aéroport fermé? Je crains le pire... Dernièrement, certaines mesures importantes sont annoncées en pleine nuit, et nous prennent souvent au dépourvu au réveil le lendemain matin.

Ma mère m'encourage de partir le plus vite possible:"Il faut penser à ton travail dans une semaine. De toute façon, moi aussi, je pars demain." dit-elle, en commençant à préparer des tupperwares de nourritures à emmener avec moi à Pékin, "au cas où tu dois rester chez toi en confinement pour quelques jours."

J'achète un billet en ligne pour le soir et me mets à faire ma valise, qui n'est pas encore complètement défaite depuis mon arrivée.

La journée passe vite, dans la précipitation du départ. Sans que personne n'ose jamais l'avouer, on sent une inquiétude qui monte face l'évolution de l'épidémie. Une impression d'être en temps de guerre. Mais bien sûr, on essaie de paraître léger et rire de cette situation, quand le moment est venu de se dire au revoir.

Dans la voiture qui m'emmène à l'aéroport, on voit défiler une ville déserte. J'ai du mal à respirer dans mon masque.

L'aéroport ne ressemble plus à celui que j'ai connu il y a à peine six jours. Tout le personnel de l'aéroport est en combinaison de haute protection qui leur donne un air de cosmonautes. Des détecteurs de températures placés à des différents endroits empêchent des passagers ayant plus de 37 °3 de partir de la ville. Les rares passagers qui se trouvent là ce soir passent les détecteurs, dans un silence indescriptible. Même type de contrôles se répètent et continuent jusque dans l'avion où les hôtesses de l'air, essayant tant bien que mal de paraître calmes derrière leur masque, vérifient une dernière fois la température de tous les passagers avant de procéder à la fermeture des portes.

Après un temps de roulage qui paraît éternel, l'avion décolle enfin. Je finis de remplir le formulaire de déclaration de santé exigé pour rentrer à Pékin, range mon stylo et respire enfin un grand coup, dans mon masque. Mes lunettes se remplissent aussitôt de buée.

L'avion quitte Wenzhou, vole au dessus de la mer. A travers le hublot, j'arrive encore à distinguer le contour de la ville. Une ville qui paraît endormie. Je la quitte le coeur serré. Quel sort l'attend demain? Et quel sort m'attend en arrivant à Pékin?

Je prie, en silence.

L'avion pivote puis se met droit en direction du Nord. D'ici à Pékin, presqu'une ligne droite. Dans trois heures je serai chez moi, si tout va bien.

Après une petite turbulence, on arrive en mode croisière. Calme à nouveau. Tout est silence. La lune apparait au bout de l'aile de l'avion.

 

When did you leave heaven angel

Angel when did you leave heaven

Angel of mine

 

 

xxx

Publicité
Publicité
24 avril 2020

Tout ira bien

IMG_9147

Wenzhou, le 29 Janvier 2020

 

- "Tu es là?"

- "Oui."

- "Une bonne et une mauvaise nouvelle, je commence par laquelle?"

-"En ce moment, je préfère commencer par la bonne..."

- "Le théâtre maintient la programmation du spectacle. Les répétitions commenceront à la date prévue."

-"Super!"

- "Et nous sommes dans l'obligation de remplacer ZD. "

- "..."

- "Voici les dossiers des autres comédiennes de la troupe avec leurs vidéos de spectacles."

-"Bon..."

-"Et... naturellement, on remplace aussi le cygne noir."

-"Mmm... cela fait deux mauvaises nouvelles."

-"Oui, c'est vrai... et sinon... où es-tu en ce moment?"

-"Je suis à Wenzhou."

-"Ah bon...et ça va?"

-"Oui, ça va."

-"Bon... sois prudent!"

-"Bien sûr, toi aussi, sois prudente!"

Puis, dans la journée, même inquiétude venant de PF, un ami à Pékin, lui aussi producteur:

- "Es-tu à Wenzhou? "

- "Oui, pourquoi?"

- "Juste pour savoir si tout va bien pour toi. Je viens de voir que Wenzhou passe en 5e position parmi les villes les plus touchées par le coronavirus."

-" Tout va bien. Je reste à la maison."

-"Bien. Alors sois prudent. Reste chez toi."

-" Bien sûr, ne t'inquiète pas, tout va bien."

De toute évidence, la ville où je suis actuellement rend particulièrement les gens nerveux... Pourtant lorsqu'on regarde sur une carte, elle est située à plus de 800km de Wuhan, et les deux provinces voisines: Jiangxi et Anhui, se rejoignant en forme d'un papillon, nous séparent de la région du Hubei. Comment est-elle devenue la ville la plus à risque en dehors de la province du Hubei?

Située sur le littoral, Wenzhou a toujours été témoin des allers et venues des quatre coins du pays. Elle accueille des gens venant d'ailleurs, attirés par le dynamisme et la prospérité de la ville, et voit ses enfants partir, à la recherche d'une vie encore meilleure, en Chine comme à l'étranger: Shanghai, Pékin, Tokyo, Milan, Amsterdam, Paris, Madrid, New York... partout où je vais, j'entends toujours ce dialecte si particulier, compréhensible uniquement par des gens de Wenzhou. Je me souviens encore d'une journée passée dans China Town à New York l'été dernier, où j'ai acheté deux magnets dans une boutique souvenirs tenue par une vieille dame chinoise. Celle-ci parlait au téléphone avec son fils avec le dialecte si familier que j'ai reconnu aussitôt.

Wenzhou est donc une ville de migrations. D'après les journaux locaux aujourd'hui, on recense 18 millions de gens de Wenzhou à Wuhan et 33 millions de gens de Wuhan à Wenzhou.

On devine le défi que la ville attend ces prochains jours.

Un autre message arrive, cette fois-ci de mon amie YH: "Comment ça se passe pour toi? Tout va bien?"

C'est le troisième message de la journée qui demande de mes nouvelles... Je commence à me demander si tout compte fait, nous allons vraiment bien.

Heureusement, ma mère a prévu depuis longtemps de rentrer à Paris quelques jours après le réveillon, à la fin Janvier. Par rapport à la tension qui monte ici, elle sera sans doute plus tranquille chez elle à Paris. Quant à moi, je verrai après son départ ce que je vais faire. Il ne reste donc plus que deux jours à tenir ici.

Je sors mon tapis yoga de ma valise, pour la première fois depuis mon arrivée. Pas de panique. On respire, on se calme et tout ira bien.

 

 

xxx

23 avril 2020

Le cygne noir

IMG_9146 2

Wenzhou, le 28 Janvier 2020

 

"Je suis un peu inquiète par rapport à ce qui se passe..." me dit la productrice de Shanghai sur wechat, "ZD (l'une des comédiennes de la nouvelle création) est originaire de Wuhan... Elle est rentrée là-bas pour le nouvel an...je m'inquiète par rapport à son retour après... pour la sécurité de tous.... je pense qu'il faudra qu'elle fasse une quarantaine... Et puis, ce cygne noir que tu voulais pour le spectacle...." finit-elle sa phrase avec des points de suspension et trois smileys de confusion...

Le cygne noir!

A ma dernière réunion avec le scénographe et la productrice à Shanghai, j'évoquais effectivement la possibilité de faire entrer un cygne noir au milieu du spectacle, pendant l'arrivée du personnage de ZD qui s'incruste dans la maison. Je voulais avoir un moment imprévisible, comme un accident de parcours. La présence mystérieuse et soudaine du cygne noir m'apportera une ponctuation parfaite pour ce moment du spectacle.

Alors, aujourd'hui, à peine neuf jours après, reparler de ce cygne noir, penser à cette théorie des événements rares et peu probables... Quelle ironie de l'histoire!

Je sens qu'avec tout ce qui se passe en ce moment, ce sera difficile pour moi de continuer à défendre la présence du cygne noir sur scène. Mais accepter de remplacer ZD parce qu'elle est retournée dans sa ville natale pour le nouvel an? Vraiment, faut-il qu'on en arrive là?

"Ecoute, ce sont des questions que tu soulèves auxquelles on devrait effectivement réfléchir", réponds-je à la productrice, "mais laissons-nous quelques jours encore, pour avoir une plus grande visibilité sur ce qui se passe. Pour le moment, il y a trop d'incertitudes pour que nous puissions prendre une décision réfléchie."

"Oui, bien sûr. Mais essayons de trouver plusieurs solutions possibles, dès maintenant, afin que nous ne soyions pas pris au dépourvu. Il faut que nous nous tenions prêts." dit ma productrice, "Nous sommes face à un événement extérieur irrésistible et imprévisible, un cas de force majeure!"

Un cas de force majeure...

Pour ce début de l'an 2020, arrive bien malgré nous et sans crier gare notre cygne noir.

Dans mon groupe chat, TJ écrit:"Avant hier, je me réveillais et il me restait cinq jours de vacances; Hier, je me réveillais et il me restait sept jours; Aujourd'hui, je me réveille et il m'en reste quatorze. Il ne faut plus dormir ou sinon je serai à la retraite bientôt."

 

 

xxx

22 avril 2020

Je veux sortir!

IMG_7322 Wenzhou, le 27 Janvier 2020

 

Encore une journée avec des mauvaises nouvelles qui arrivent de toutes parts, à la télé comme dans nos téléphones. Dans le groupe chat, on parle d'un prolongement des vacances du nouvel an. LZ dit que les entreprises ont reçu comme ordre de ne pas reprendre les activités avant le 8 Février, même chose pour les écoles et les universités. LC qui est lui-même professeur dans une université à Pékin confirme: Oui, on pense à prolonger les vacances, très sérieusement cette fois-ci.

Mais que faire pendant ces vacances qui prennent un air de quarantaine? Toujours dans le groupe, certains disent qu'ils peuvent passer tout le temps à jouer aux cartes ou au mahjong en famille, d'autres préfèrent regarder les séries télévisées ou des films, on commence déjà à s'échanger nos listes de films et séries favoris. Seul principe:  rester à la maison.

En temps normal, les vacances du nouvel an constituent une période propice où beaucoup de nos concitoyens choisissent de faire du tourisme à l'intérieur du pays ou à l'étrager. Mais très probablement, cette année, notre itinéraire voyage se résumera à un circuit domestique Salon - Cuisine - Chambre à coucher - Salle de bain.

On devrait commencer à parler partout dans le monde de ce qui se passe ici. Je reçois dans la journée un premier message à ce sujet venant de PR en France: "Alors ce coronavirus? Tout va bien?"

Bon, quoi qu'il arrive, il ne faut pas céder à la panique. Je partage dans mon groupe une courte vidéo pour détendre l'ambiance: à leur enfant qui ne s'arrête pas de pleurer, les parents inquiets demandent "As-tu faim?", l'enfant répond tout en continuant de pleurer: "pas faim", "Soif?", "Non plus!" "Alors pourquoi pleures-tu, si tu n'as ni faim ni soif?" , "Je veux sortir, je veux sortir!" crie l'enfant avec un air de chien battu.

Ce cri désespéré, il est possible qu'il soit partagé par la plupart d'entre nous aujourd'hui dans le pays.

 

xxx

21 avril 2020

Et je resterai sage à la maison, promis

IMG_8857 Wenzhou, le 26 Janvier 2020

 

Tous les cinémas du pays sont fermés. Enorme déception pour moi qui comptais profiter des vacances du nouvel an pour voir tous les nouveaux films avec mes parents. Comme aller au cinéma en famille est une des activités préférées des chinois pendant les fêtes du nouvel an, les producteurs et les salles de cinéma misent toujours sur cette période pour réaliser des centaines de millions de Yuans recettes. Cette fermeture soudaine sera donc un grand coup pour l'industrie du cinéma chinois.

Le réalisateur et acteur Zheng Xu a créé une grande polémique quand il a annoncé, à la surprise générale, de mettre en ligne gratuitement son nouveau film Lost on journey 3 dont la sortie était initalement prévue ces jours-ci sur grand écran. Les professionels du cinéma l'accusent de concurrence déloyale, voire de trahison. Pendant ce temps-là, les autres films qui devaient sortir en même temps étaient tous déprogrammés des salles de cinéma, en attendant des jours meilleurs.

J'ai passé un bon moment à voir Lost on journey 3 en famille à la maison. C'est un film familial pour les fêtes de nouvel an, comme ces films que nous revoyons encore et toujours avec plaisir à Noël, je pense surtout à Sissi l'impératrice, ou Le Père Noël est une ordure. Nous irons le revoir au cinéma quand tout rentrera dans l'ordre, après cette histoire de coronavirus.

Toujours très peu de monde dehors, dans la rue. Pourtant, la ville n'est pas, strictement parlant, une zone à risque élevé de contamination. Les gens ici font preuve d'une grande prudence.

Il faut néanmoins que je sorte aujourd'hui. Il n'y plus de café à la maison, et puis, je voudrais tenter ma chance avec l'eau de javel et les masques. On ne sait jamais.

Le supermarché, flambant neuf, se trouve juste en face de notre immeuble. Il semble d'autant plus immense qu'il n'y a presque personne, à part six caissières en masques qui discutent entre elles. Les rayons sont pleins, je trouve même toutes sortes des produits importés que j'ai plus souvent l'occasion de voir en Europe. "Aucune inquiétude de pénurie!" me suis-je dit. J'ai trouvé le café que je voulais. Mais aucune trace nulle part des deux autres produits, objets de ma convoitise. En allant demander directement à une employée en train de ranger les rayons, la réponse sera catégorique: "non, pas de masques ni d'eau de javel."

Tant pis, je me consolerai avec du café, et je resterai sage à la maison, promis.

 

xxx

Publicité
Publicité
20 avril 2020

Que cette année nouvelle nous soit douce et paisible!

Wenzhou, le 25 Janvier 2020

 

"Que cette année nouvelle nous soit douce et paisible!" écris-je dans le groupe wechat au réveil ce matin.

Nous sommes le premier jour de l'année du Rat. Un calme inhabituel règne dans la ville de Wenzhou. Par la fenêtre de ma chambre, je vois un quartier presque déserté. Dans la rue, un couple traverse un passage piétons, une voiture s'arrête, les laisse passer, puis reprend sa route. Voilà la seule image qui me confirme la présence encore des gens à l'extérieur. On entend de temps à autre quelques pétards, mais rien à voir avec l'animation qu'on pourrait attendre d'un premier jour de l'an. On aurait du mal à se dire que l'on est en pleine période de fêtes de Printemps, si la grande tour en face ne scintillait pas en permanence avec sa lumière LED: Bonne année à tous les habitants!

En arrivant hier à la maison, ma mère rit en voyant mon acoutrement: "Tu exagères! On en est déjà là?" A quoi je réponds aussi par un sourire: "J'espère que non. Mais il vaut mieux prendre ses précautions." Hier soir, Une image du gala du nouvel an m'a beaucoup impressionné: lorsque la caméra passe de la scène au côté des spectateurs, on voit une salle complètement vide. Ils ont décidé au dernier moment de faire ce gala en direct sans personne dans le public pour éviter le rassemblement. Le gala a bien eu lieu malgré tout, dans les chants et les danses, mais sur scène ou devant la télé, il est clair que le coeur n'y est pas. C'est sûr, nous allons rester à la maison avec plein de points d'interrogations pour ces premiers jours de l'an.

Depuis hier soir, même calme sur le téléphone, un calme extraordinairement inquiétant. Les messages qu'on a l'habitude de voir pendant cette période sont au rang d'absents. Plus de plaintes sur la famille avec laquelle on n'a plus rien en commun,  plus de vieilles photos de familles retrouvées dans un album jauni, plus d'enveloppes rouges...

En début de soirée, je n'ai pu m'empêcher de reposter un message écrit la nuit précédente par un journaliste du bureau Hubei de Xinhua Presse. Il y répond aux questions qui nous brûlent les lèvres:

1. Plus contagieux que le SRAS, mais le taux de mortalité plus bas;

2. La panique des gens est plus à craindre que le virus lui-même;

3. On demandera sûrement des comptes, mais ce sera pour après. Maintenant il s'agit de se battre ensemble. Il faut être solidaires;

4. Le problème le plus grave est le manque de matériels sanitaires dans les hôpitaux, il en manque particulièrement pour certains hôpitaux, à cause du nouvel an, les usines sont fermées, les livraisons sont arrêtées. Il est nécessaire que les aides puissent venir de toutes parts;

5. Beaucoup de gens expriment leur souhait de faire des dons, mais les matériels sanitaires ont besoin de répondre à des normes nationales, afin que les médecins puissent les utiliser, il est fortement conseillé de prendre connaissance de ces normes et contacter en amont des responsables d'hôpitaux avant tout achat pour donations;

6. Pas de panique, restez à la maison et tout ira bien. Prenez soin de vous, de vos parents, en tant qu'un citoyen ordinaire, cela sera votre plus grande contribution;

7. Restez calme, ne faites pas véhiculer la peur, cela engendra encore plus de personnes qui congestionnent les hôpitaux et donnera encore plus de surcharge au personnel hospitalier;

8. Que faire en cas de fièvre? Il est conseillé de s'observer à la maison, comme en cas de grippe;

9. Le pic nous attend probablement plus tard, préparez-vous à une longue bataille;

10. Nous nous en sortirons. Ne vous laissez pas abattre par les chiffres, chaque année nous voyons aussi beaucoup de morts de la grippe saisonnière. Ne paniquez pas! Ne désespérez pas! Gardez la raison! Soyez positif!

Le personnel soignant qui se trouve à Wuhan en ce moment fait face à un défi sans précédent. Pour décongestionner les hôpitaux existants, les journaux annoncent dans l'après-midi qu'en plus de l'hôpital Huoshenshan (montagne du dieu du feu) en construction depuis déjà quelques jours, démarre la construction d'un autre hôpital nommé l'hôpital Leishenshan (montagne du dieu du tonnerre). Rien que leurs noms laissent augurer la sévérité du combat qui nous attend contre cette épidémie.

Dans la journée, TJ reposte un message annonçant l'activation de l'état d'urgence sanitaire de niveau 1 pour Pékin. Cela signifie que la ville va suspendre toutes les entrées et sorties des transports en commun. Puis, LC reposte un un message annonçant l'annulation de tous les vols de sa ville...

Ainsi sommes-nous, au premier jour de l'année du Rat, spectateurs de ces villes et provinces qui ferment tour à tour leur chemins de fer, leurs autoroutes et leurs aéroports. Une journée qui restera sans doute gravée dans nos mémoires.

 

xxx

17 avril 2020

Pour combattre l'oubli

FullSizeRender 4 Pékin- Wenzhou, le 24 Janvier 2020

 

Mon chien a pissé dans la cuisine cette nuit. Il a dû entendre la conversation que j'ai eue avec ma mère hier soir. Le chien n'est pas content que je parte.

Hier soir, j'ai confirmé à ma mère que je serais bien à la maison pour le réveillon du nouvel an. "Toute la famille était d'accord pour ne pas tenir le grand repas familial au restaurant. Nous allons donc passer le réveillon entre nous, c'est plus raisonnable. Tu rendras donc visite à tes oncles et tantes les jours suivants." m'a-t-elle annoncé sur mon wechat. Je lui ai envoyé une vidéo démonstrative sur le port des masques, en lui répondant par wechat audio: "C'est mieux ainsi. Evitons les contacts ces jours-ci, et apprends à bien porter un masque, s'il-te-plaît. "

Je n'ai pas voulu lui communiquer les horaires exacts de mon vol, car elle voulait envoyer mon père venir me chercher à l'aéroport, de peur que je sois contaminé par un chauffeur de taxi. Mais je préfère leur éviter cette corvée.

Très peu de taxis disponibles sur la plateforme de réservation Didi ce matin. Effet nouvel an ou effet coronavirus?  Je suis déjà à H - 1 du décollage quand une voiture accepte enfin ma réservation. Heureusement, je ne suis pas loin de l'aéroport.

Je me dépêche de mettre un masque et descends ma valise après avoir envoyé un message à MA qui va venir s'occuper de mon chien pendant mon absence: "Coucou! J'ai pu commander une voiture à la dernière minute. Je pars. Merci de t'occuper de mon chien, j'espère revenir très vite. Passe un bon réveillon ce soir!"

Plusieurs villes de la province du Hubei, dont Wuhan, sont entrées en confinement. On annonce de plus en plus de cas confirmés un peu partout dans le pays. Quelques provinces sont déjà en Etat d'alerte de niveau 1 (le plus élevé).

Dans l'aéroport, pas mal de gens sont équipés comme moi: un masque pour couvrir le nez et la bouche, des lunettes pour protéger les yeux et une casquette pour couvrir les cheveux. A la décoration scintillante de Noël toujours en place, s'ajoute celle du nouvel an chinois: des petites lanternes rouges et des couplets du nouvel an sur du papier rouge. Pourtant, l'ambiance n'est pas à la fête. Je vois des gens masqués, anxieux et pressés de partir. Tout le monde voudrait être à la maison, au plus vite, parmi les siens.

Même ambiance dans l'avion, un calme inhabituel pour un vol intérieur pendant la période des fêtes. Les hôtesses sont très serviables et souriantes, peut-être essaient-elle, avec leur sourire bien appuyé, d'apaiser un peu l'angoisse montante des gens face à ce mot coronavirus qui envahit de plus en plus les écrans de téléphones portables et occupe notre esprit. La plupart des gens ont les yeux rivés sur leur portable, silencieusement, en attendant le décollage. Assis autour de moi, sont des gens arrivés de Paris, en transit à Pékin, que je distingue en reconnaissant leur sac de Duty Free de Roissy. Ils sont masqués comme nous. Apparemment, la nouvelle du coronavirus circule aussi là-bas.

Le ciel est magnifique durant le voyage. Avec un pareil ciel, l'avion volant entre les nuages doit ressembler à une belle colombe, si on l'observe de la Terre. Un rayon de soleil entre à ce moment-là par mon hublot et éclaire le dos de mon livre En quittant le village Liang . Je l'ai pris avec moi ce matin pour lire pendant le voyage. Il est écrit par Liang Hong, amie de TJ. Au dos du livre, éclairé par le soleil, est cette phrase:  "Chaque communauté, chaque nation porte en son sein une tristesse qui n'appartient qu'à elle. [...] On ne parle ni ne pleure de cette tristesse. Elle est là, en nous, pour combattre l'oubli. "

 

 

xxx

16 avril 2020

Fausse alerte

Pékin, le 23 Janvier 2020

 

J'ai de la fièvre! J'ai mal à la tête", lance LZ dans le groupe chat comme une bombe qui éclate. Quelqu'un lui demande aussitôt: T'es allé à l'hôpital? T'as d'autres symptômes? Si tu ne te sens pas bien, va à l'hôpital. " Un autre dit: il vaut mieux ne pas aller à l'hôpital par les temps qui courent..." Et la plupart des gens dans le groupe soutiennent l'avis du deuxième: "reste en observation chez toi, prends du paracétamol pour faire baisser la fièvre, mais ne vas pas à l'hôpital, le risque de contamination est trop élevé là-bas!" "Oui, je vais m'isoler, je verrai comment ça se passe." répond LZ.

A moi, ce qui me donne mal à la tête aujourd'hui, est de décider si je dois aller à Wenzhou demain pour passer le nouvel an chinois. En temps normal, j'aime rester à Pékin pendant cette période: pas d'embouteillages, pas de pollution, des grandes avenues vides et un ciel bleu, période parfaite pour apprécier au calme cette grande ville impériale que j'aime tant. Cependant, ma mère est rentrée en Chine cette année pour passer les fêtes du nouvel an avec moi. A l'heure qu'il est, elle est déjà dans sa maison à Wenzhou, et m'envoie réguilièrement des messages pour savoir quel jour je la rejoins. Mon père aussi, de son côté, m'envoie des messages pour connaître mes horaires de vol afin de venir me chercher à l'aéroport. Et puis, il y a ma grand mère. Bien que je lui ai déjà rendu visite à Noël, elle espère sûrement que je sois là pour le nouvel an chinois, voir tous les enfants de la famille réunis autour d'elle. Donc, je dois aller à Wenzhou cette fois-ci.

Mais mon instinct me dit pourtant de faire très attention à ce virus mystérieux. Et partir en voyage maintenant, c'est augmenter considérablement les risques de contamination. Wuhan a pris beaucoup de monde au dépourvu en annonçant hier à minuit que la ville va entrer en confinement. Les entrées et sorties de la ville sont au fur et à mesure fermées dans la journée d'aujourd'hui. Nous sommes à J-1 du réveillon, combien de personnes ne vont pas pouvoir retrouver leur famille à temps? La tension augmente d'un niveau avec cette annonce. Les quelques amis qui savent que je dois aller à Wenzhou me dissuadent tous en m'envoyant des wechat: "reste à Pékin, il y a moins de monde ici maintenant, c'est plus sûr!" J'envoie alors un message wechat à MA: tu penses que je dois aller à Wenzhou?

MA est mon plus vieil ami à Pékin. Pour cette raison précise, nous n'arrivons jamais à être sérieux pour plus de deux secondes. Nous passons notre temps, pour ainsi dire, à nous envoyer des âneries. Les contenus insignifiants de nos échanges wechat peuvent être, à tout juste titre, être classés comme messages détritus. Pourtant, MA me parle sur un ton extraordinairement grave aujourd'hui et m'envoie cinq longs messages audio à la suite. Il me dit qu'en toute objectivité, il n'est pas souhaitable de prendre un avion pour Wenzhou ces jours-ci: trop de contacts avec les gens tout le long du voyage, dans des espaces confinés de surcroît, donc des risques élevés de contamination. Et nous devrions être prudents au maximum, comme nous avons trop peu d'informations vérifiées sur les modes de transmission du virus. Ne pars pas, la famille comprendra.

Après avoir écouté ses messages, je continue à regarder machinalement sur mon téléphone portable. Depuis ce matin, je n'arrête pas d'y vérifier les mise-à-jours concernant le coronavius. Combien de villes sont-elles contaminées en vérité? A plusieurs reprises, je vais sur la plateforme des billets électroniques en faillant appuyer sur le bouton "Annuler". Mais une voix se fait toujours entendre à ce moment là: Et mes parents, comment vont-ils passer le nouvel an sans moi? Et ma grand mère, va-t-elle comprendre mon absence? Bon, c'est sûr, je dois aller à Wenzhou cette fois-ci. Calmement, je vais faire ma valise pour le voyage de demain, y mets les derniers masques contre la pollution qui me restent à la maison. C'est décidé, demain, je pars à Wenzhou.

Dans le groupe chat, mes amis sont en train de s'envoyer toutes les vraies et fausses astuces contre le virus: de l'acool à 75 degrés, de l'eau de javel, de l'eau de detol, du vinaigre blanc, de l'eau salée et tutti quanti. Quelqu'un poste un mini vidéo reportage qui nous laisse dubitatifs: à la question du journaliste "Avez-vous peur du nouveau coronavirus?" , des habitants d'une grande ville crient de concert "Même pas peur!" avec un optimisme débordant de l'image. Quant à la question "Faut-il porter un masque?" , ils répondent tout sourire, en faisant un signe V de la main: "Non, non, pas besoin de masques! " TJ pose alors sérieusement une question dans le groupe: quelqu'un peut me dire si prendre un bain de pieds avec du gingembre est efficace? A quoi je réponds avec beaucoup moins de sérieux: "Oui, efficace pour la détente! " TJ se met à rire: "Alors j'allume une bougie en plus, et avec de la musique, s'il vous plait." Tout le monde se met à rire dans le groupe: Ah, ah, ah!

A presque minuit, LZ écrit: bon, fausse alerte, tout va bien, j'ai dormi toute la journée et je n'ai plus de fièvre. Tout le monde est content de finir cette folle journée avec ce message rassurant: "allez, on se couche tous, bonne nuit!"

 

xxx

15 avril 2020

Même pas en rêve!

Pékin, le 22 Janvier 2020

 

Pas de masques ni d'eau de javel au supermarché hier. Ça y est, tout le monde est en train de s'approvisioner. Je vais retenter ma chance dans un supermarché plus grand aujourd'hui.

J'ai parlé de YH à la productrice de Shanghai. J'aimerais que ce soit elle qui remplace CY. YH a joué dans ma première mise en scène à la sortie de l'école, il y a maintenant plus d'une dizaine d'années. Revenue en Chine, elle enchaîne des tournages pour la télévision. Exceptées les seules fois où elle allait au théâtre avec moi pour voir un spectacle, cela fait donc un moment qu'elle n'est plus retournée sur une scène de théâtre. J'ai pensé à elle hier sur la route en rentrant chez moi. Je l'ai aussitôt bombardée de messages audios pour lui présenter cette nouvelle création qui démarrera bientôt, après le nouvel an chinois. YH est à Hangzhou ces jours-ci, nous sommes restés des heures au téléphone. Elle me dit que mon invitation arrive à point nommé. Ces derniers temps, elle pense justement à retourner sur les planches. Après toutes ces années, le théâtre reste le seul lieu qui pourrait lui procurer le vent de liberté dont elle a besoin. Elle accepte donc avec plaisir de remplacer CY au pied levé. Nous sommes tous les deux enchantés à l'idée de nous retrouver bientôt. Vivre et travailler ensemble pour plus d'un mois à Shanghai. Quel bonheur!

Lorsque nous étions plus jeunes à Paris,la vie nous semblait douce et simple. Nous passions les journées à répéter, et les soirs, quand nous n'allions pas au théâtre, nous les passions à parler des spectacles que nous avions vus, et ceux que nous aimerions faire. Nous étions dans une insouciance folle. Depuis le retour en Chine, nous sommes tous occupés par nos projets respectifs, avec peu de temps pour nous retrouver vraiment. Cela rend une occasion comme celle-ci rare,donc tout à fait précieuse. A la fin de notre conversation téléphonique, je n'ai pas pu m'empêcher de la prévenir, elle qui va bientôt rentrer à Pékin: profite donc que tu es à Hangzhou pour t'acheter des masques au supermarché. On a beaucoup de mal à en trouver à Pékin.

Je suis bien allé dans un grand supermarché dans mon quartier, cet après-midi. J'ai toujours beaucoup de plaisir à faire des courses là-bas, car on y trouve des produits du monde entier, absolument tout. Mais, aujourd'hui, à peu près tout sauf les masques. Même les simples masques fins à usage unique que nous dédaignions de porter en temps normal à cause de leur manque d'efficacité contre la pollution sont en rupture de stock! Les caissiers répètent inlassablement à tous les clients la même phrase: plus de masques, on n'en a vraiment plus.

Parmi les produits stars incontestables mais absents des rayons, l'eau de javel. Plus rien non plus! Grâce à son action virucide, ce produit banal qui contient du chlore, et qu'on délaisse en général dans un petit coin tout en bas des étagères, est aussi devenu en une nuit,  une des meilleures ventes partout dans le pays. Pour consoler ma déception, une employée du supermarché m'emmène dans un coin du Rayon produits d'hygiène et me montre du doigt deux tubes jaunes de lingettes désinfectantes importés des Etats-Unis. Ils posent fièrement sur l'étagère du milieu. Sans aucune hésitation, je prends un des deux dans mon panier, et c'est en apercevant son étiquette de prix que je comprends la raison pour laquelle il est encore tranquillement posé sur l'étagère. Trois fois plus cher que les lingettes normales que j'achète d'habitude! Peu importe, je le prends. Le temps de payer à la caisse, je vois arriver un client avec l'autre tube jaune à la main. Cette fois-ci, il n'y a vraiment plus rien! J'imagine la déception sur les visages des clients qui arrivent après.

En sortant du supermarché, je remarque plus de gens dans la rue portant un masque. Pourtant, pendant cette période du nouvel an chinois, le ciel de Pékin, tout à fait clair, débarrassé de toute pollution, est d'un bleu magnifique. Me voilà sûr et certain que nous nous préparons désormais à affronter un nouvel ennemi dans la ville.

Dans le groupe chat, nous nous intéressons aussi beaucoup aux masques. Nous nous recommandons mutuellement de porter un masque pour sortir. Mais comment les trouver?  TJ qui est rentrée depuis deux jours dans sa ville natale,  dans la province du Hunan écrit: "dans ma petite bourgade, plus aucun masque! " Elle n'imagine probablement pas encore qu'à ce moment précis, grande ou petite ville, partout dans le pays, on cherche tous ce produit de luxe mais ne le trouve pas.

LC est bien rentré chez lui dans la province du Hubei. Il envoie une vidéo d'une rue principale de Wuhan à HB qui a décidé de rester à Pékin. HB crie avec émotion dans le groupe chat: c'est la Rue Jiang Han, c'est dans cette rue que j'ai grandi! Une dépêche en document PDF posté aussi par LC dans le groupe attire notre attention par son style sérieux et officiel, elle a pour titre: Le Conseil d'Etat vient d'annoncer un prolongement des vacances du nouvel an chinois. Une telle bonne nouvelle nous pousse forcément à ouvrir le document PDF sur le champs. Mais on découvre aussitôt qu'il s'agit juste d'une farce: à l'ouverture du document PDF, on voit surgir un personnage de dessin animé qui nous nargue en haussant les épaules. En dessous, est écrit en gras: Même pas en rêve!

 

 

xxx

14 avril 2020

Quelques masques et de l'eau de javel, on ne sait jamais

Pékin, le 21 Janvier 2020

 

CY m'a envoyé un wechat très tard hier soir. Je sens son inquiétude à travers les lignes de son message. Sa fille est tombée malade et est admise à l'hôpital. Cela fait plusieurs jours qu'elle s'occupe d'elle jour et nuit, presque sans dormir. A l'approche du nouvel an, j'imagine à quel point cela peut être compliqué pour elle.

CY et moi, cela fait un moment que nous voulions travailler ensemble. Je suis allé la voir jouer avec QM, un autre comédien que je connais bien. Ils étaient tous les deux excellents dans cette pièce japonaise. Je craignais de ne pas pouvoir entrer complètement dans cette histoire de couple car je les connais trop bien dans la vie, surtout QM avec qui je travaille régulièrement, et qui participe souvent à nos soirées de beuverie. Pourtant, dès le début du spectacle, je suis complètement entré dans l'histoire déchirante de ces deux êtres que tout sépare. Cette nouvelle version avec eux deux m'a beaucoup plu, et je suis d'autant plus heureux que j'ai l'impression de mieux connaître CY grâce à ce spectalce. Dans la vie ou sur scène, je vois bien qu'en dessous de cette douceur extrême qui caractérise CY, se cache une force étonnante, une force têtue. Autant de complexité qu'elle porte en elle et malgré elle. Après ce spectacle, j'ai tout de suite pensé à la possibilité de l'inviter dans le projet de Shanghai.

CY donc, avec GX et ZD, les deux comédiens que j'ai auditionnés à Shanghai, formeront un trio intéressant que je peux déjà imaginer dans ma tête depuis mon séjour à Shanghai. J'ai le plaisir de les imaginer déjà travailler ensemble dans la salle de répétition, après les vacances du nouvel an.

Malheureusement, le message de CY a rendu impossible cette perspective. Elle ne peut pas s'imaginer s'engager dans plus d'un mois de répétitions à Shanghai, loin de sa fille malade.  Elle était désolée de ce problème soudain et m'exprimait son regret immense de mettre un terme à cette collaboration dans son message wechat. Mais la santé de l'enfant prime sur tout, bien sûr. A la vie, le théâtre sait céder la place. “Ne t'inquiète pas, nous en aurons plein d'autres occasions. Le plus important maintenant est de rester auprès de ta fille. Le reste n'est pas un problème. Prends soin de toi aussi, essaie de te reposer un peu. J'espère que l'enfant va se rétablir vite. Courage!", lui réponds-je dans le wechat.

Dans les prochains jours, je vais donc devoir discuter des choix de comédiennes qui pourraient remplacer CY avec la productrice. Mais aujourd'hui, je vais d'abord réaliser un objectif que je me suis fixé auparavant: au retour à Pékin, et avant que les vacances du nouvel an commencent, voir absolument ces deux films au cinéma: "Le Lac aux oies sauvages" et "L'adieu". Les deux sont des films que je classe dans des films à ne pas rater au cinéma, mais vu le peu de salles qui les projètent encore, je suis certain qu'ils vont disparaître très vite des écrans. Donc, la première chose que j'ai faite au réveil était de réserver une place respectivement pour ces deux films, à la Broadway cinémathèque du Moma. D'abord "Le Lac aux oies sauvages" puis "L'adieu", avec une demi-heure de pause entre les deux.

Le bureau de mon amie ZY se trouve justement dans le Moma. Je pourrai profiter de la pause pour boire un café avec elle dans la librairie Kubrick. Comme ça, j'aurais revu une amie en plus avant les vacances! Le programme du jour me paraît parfait. Je réalise que depuis que je suis revenu vivre en Chine, je suis devenu quelqu'un de très efficace!

Avant de franchir la porte de chez moi, je prends un masque 3M au fond d'un tiroir. Ce sont des masques comme celui-ci que j'utilise pour des journées polluées à Pékin. En voyant ces quelques masques inutilisés qui restent dans le tiroir, je me dis qu'en effet, la qualité de l'air dans la ville s'est considérablement améliorée ces derniers temps. Même si ce n'est pas très agréable de porter un masque 3M, loin de là, car on a du mal à respirer dedans, je décide de le porter tout le temps que je suis dehors aujourd'hui. Il vaut mieux être prudent à partir de maintenant.

Il reste encore trente minutes avant le début du film, quand j'arrive dans le Moma. Juste le temps qu'il faut pour faire laver ma voiture dans une station de lavage, tout près du Moma. Efficacité! Efficacité! Il faut être propre pour le nouvel an, même pour ma voiture.

Les employés de la cinémathèque ne doivent pas trop avoir de nouvelles sur cette histoire de coronavirus. Personne n'y porte de masque. Dans la salle numéro 1 je suis le seul spectateur. La plupart des gens devrait être déjà chez eux en famille, me suis-je dit. J'ai privatisé la salle pour moi seul avec un billet de cinéma, super!

Après le film, j'ai attendu ZY dans la librairie Kubrick. Je la vois arriver de loin, portant aussi un masque. Apparemment, elle et moi nous avons les même sources d'informations. Après avoir commandé des cafés, nous nous sommes lancés immédiatement dans une discussion sur le film "Le Lac aux oies sauvages". Nous pensons tous deux que le réalisateur a fait un bond en avant dans sa façon de raconter l'histoire par rapport à ses films précédents. Je me souviens qu'après avoir vu le film, ZY avait immédiatement encensé ce film sur wechat. C'est une des raisons pour lesquelles je voulais absolument le voir au cinéma. Je lui fais entièrement confiance pour ses goûts cinématographiques.

Le temps d'un café, je lui parle aussi des préparatifs de ma nouvelle création. Elle me donne alors rendez-vous à Shanghai pour la Première. En pensant que nous allons bientôt nous revoir tous à Shanghai, elle et aussi quelques autres amis proches,  je me suis donné la mission de trouver les meilleurs bars à whisky de la ville pour des belles soirées entre amis en perspective. A la sortie de la librairie, après s'être lancé, comme le temps exige: "Bonnes fêtes du Printemps, à très bientôt! " , je m'enferme à nouveau dans la salle obscure et décidément vide, pour mon deuxième film du jour...

C'est déjà la fin de la journée, quand je sors du cinéma. En retournant à ma voiture, j'allume mon téléphone et découvre plein de messages dans mon groupe chat. HB a annulé son billet de train pour Wuhan. Elle s'inquiète maintenant pour ses parents vivant là-bas. On essaie de la consoler, tant bien que mal, et lui conseille de dire à ses parents de réduire au maximum les sorties et d'éviter de visiter la famille, bien que nous soyions en pleine période du nouvel an.

Un long message dans le groupe attire mon attention. Il vient d'un médecin qui est en ce moment-même "sur le front" à Wuhan. Son long message, reposté par LC dans le groupe chat, énumère scientifiquement, point par point, quelques faits élémentaires sur ce qui se passe actuellement. Je retiens quelques phrases simples dans ce long message: "Réduisez les sorties, restez confortablement à la maison"; "Surtout surtout, ne venez pas à Wuhan en ce moment"; et cette dernière phrase qui fait froid dans le dos: "Aucune grande ville n'en sera épargnée".

Je regarde l'heure affichée sur mon téléphone, pas encore 18h, les heures de pointes commencent à peine, il n'y a pas trop d'embouteillage encore. Je décide d'aller faire quelques courses au supermarché avant de rentrer: des fruits, du pain pour demain matin, mais aussi quelques masques et de l'eau de javel, on ne sait jamais.

 

xxx

Publicité
Publicité
1 2 > >>
Publicité
Archives
Publicité