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riji
20 mai 2020

Retenu et compris.

servantenbPékin, le 7 Février 2020

 

La nuit qu'on vient de passer a été une nuit mouvementée pour beaucoup d'entre nous.

Dès le début de la nuit, des nouvelles contradictoires du jeune médecin L surgissent dans les réseaux sociaux: celles qui surprennent tout le monde en annonçant qu'il vient de partir, et celles affirmant qu'on est encore en train de se battre pour sauver sa vie.

Sur wechat, on voit défiler une quantité d'informations sur ce qui arrive à L depuis décembre dernier et dont nous avons commencé à prendre connaissance depuis ces derniers jours: découverte d'un document interne sur l'existence des cas suspects du SRAS dans sa ville; alerte donnée dans ses groupes d'amis wechat, essentiellement composés de collègues et d'anciens camarades de faculté; avertissement oral par ses supérieurs; avertissement écrit par l'autorité locale; contamination du nouveau coronavirus; hospitalisation...

Je me souviens d'avoir vu une vidéo de lui en train de faire un appel vidéo à sa mère dans sa chambre d'hôpital pour la rassurer et dire, comme tout médecin chinois en ce moment, qu'il aimerait être sur le front au plus vite pour sauver les malades, dès qu'il sera rétabli. Il paraissait jeune, avait l'air de quelqu'un de doux, et parlait avec de l'optimisme.

Etait-ce avant-hier, hier?  

Plus la nuit avançait, plus l'espoir s'amenuisait. De moins en moins de posts sur wechat pour contredire sa disparition. Maintenant, on le sait. L est parti, pour toujours.

La nouvelle est accablante. Elle vient à ce moment précis où le temps est totalement opaque et incertain pour nous qui sommes coincés à la maison. La tristesse est pour lui et pour notre propre condition. Et cette tristesse, née dans la nuit, se mue en une colère sourde au commencement du jour.

De plus de plus d'images noires sont postées par les gens sur wechat ou weibo. Il y en a tellement que cela ressemble presque à un blackout sur mon écran de téléphone. C'est la première image de deuil.

Puis, dans la journée, il y a eu des bougies, il y a eu des fleurs... devant l'hôpital, sur les réseaux sociaux... Puis, vient le besoin de comprendre. Qui était-il? Qu'avait-t-il fait exactement? Qu'avait-t-il fait de mal exactement?

Une phrase et une photo circulent depuis.

La phrase est de L dans une interview donnée début février, pendant son hospitalisation: "Une société en bonne santé ne doit pas avoir qu'une seule voix. "

La photo est celle de l'avertissement qu'on a demandé à L de contresigner fin décembre lorsqu'il a alerté ses amis et collègues sur l'existence de cas suspects. Dessus, on voit L écrire à la main, à la façon de "lu et approuvé" : retenu et compris.

 

 

xxx

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